La gravité de la situation économique en forte détérioration, du fait, entre autres, de la crise mondiale pousse la part de la population en situation de pauvreté à 37% contre 24% il y a trois ans. « Les coupes budgétaires dans les programmes sociaux et les pressions du FMI pour contrôler les déficits ne laissent espérer aucune amélioration dans les mois à venir. » (Pakistan en bref, Ministère des affaires étrangères français, mars 2009).

Les négociations en cours avec le FMI et la Banque mondiale vont conduire le gouvernement à devoir s’expliquer sur la faible croissance, le déficit budgétaire supérieur aux prévisions mais revenu quand même à 1,9% du PIB, l’échec de sa politique fiscale, son incapacité à mettre en place un système de prix efficace et libéral sur les produits agricoles. De nouveaux prêts sont attendus.

La diminution des dépenses de développement de 35% en 2009 et la forte inflation de plus de 20% frappent des projets de santé, d’éducation, d’amélioration de l’efficacité de l’agriculture, retardés ou abandonnés.

Les transferts financiers des travailleurs immigrés restent en augmentation pour le moment ; avec l’agriculture ils maintiennent le pays juste à flots.


Au plan politique, la démocratie progresse grâce aux juristes, juges et avocats : suite à la menace d’énormes manifestations amorcées par le principal parti d’opposition de Navaz Sharif, le gouvernement a accepté mi-mars de réintégrer les quelques dizaines de juges mis à la porte par le président sortant Pervez Musharraf fin 2007 ; c’était un engagement pris par les deux grands partis politiques avant les élections, mais le nouveau président Asif Zardari, mari de Benazir Bhutto assassinée fin 2007, est peu désireux de voir revenir le « Chief Justice », Président de la Cour suprême, Iftikhar Mohammad Chaudhry ; qu’il craindrait que ce dernier relance des procédures le visant pour des faits anciens de corruption qui lui ont déjà fait passer six années en prison, sans condamnation. On dit aussi que les Américains et les Anglais redouteraient que la Cour suprême puisse s’intéresser aux disparitions de citoyens pakistanais ces dernières années.

La police menaçait donc de ne rien faire face à l’énormité prévue des manifestations et le chef d’état major des armées poussait le gouvernement à transiger. Une fois de plus l’armée pèse ; ce n’est sans doute pas fini. Mais la société civile a marqué des points pour l’avenir, ce que relève avec satisfaction la Commission Justice et Paix.


Les partis religieux sont eux en retrait suite aux élections de début 2008. La population ne les soutient pas. L’économie du jihad, c’est l’opium et les enlèvements pour rançon.

Les « militants » veulent développer leurs contrôles surtout dans les zones pashtounes à la frontière avec l’Afghanistan et l’armée ne conduit que des opérations très sélectives. Ainsi dans la vallée de Swat, un peu au nord de la capitale, un accord avec des chefs fondamentalistes, devant encore être ratifié par le chef de l’Etat, leur cède de fait le gouvernement de la zone : fermeture d’écoles de filles, tribunaux de la sharia qui risquent de se mettre en place. L’armée ne fait pas son travail. C’est toujours le « projet des Mollahs » des années 70, un compromis pour donner quelque chose aux Mollahs, aux militants, mais les résultats ne sont pas en leur faveur. Il y a un million de déplacés tout au long de la frontière afghane, fuyant les exactions des sectes et partis fondamentalistes. Et seulement 210 000 places dans les camps du Haut Commissariat aux réfugiés des Nations Unies.


Les incursions américaines se poursuivent à partir de l’Afghanistan, par des drones, des petits avions sans pilote porteurs de missiles, au nom du légitime « droit de suite » des combattants dits talibans. Si tous les résistants à la présence étrangère en Afghanistan étaient des « talibans », musulmans fondamentalistes…, tout l’Afghanistan serait fondamentaliste ! La presse pakistanaise relève des positions critiques de parlementaires américains s’interrogeant sur la légitimité et l’efficacité de ces incursions que l’administration américaine voudrait au contraire étendre et prolonger plus à l’intérieur du Pakistan.

Ces drones sont efficaces donc l’opinion publique ne s’y oppose que formellement. L’armée n’en veut pas officiellement mais elle sait qu’elle ne peut pas faire le travail à leur place.

Dans le cadre des nouvelles hypothèses parfois contradictoires de la politique américaine en Afghanistan, le Pakistan recevrait de nouveaux soutiens économique, humanitaire et militaire.



Denis Viénot

Président de Chrétiens en Forum

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